Que s’est-il réellement passe entre les images?

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Afterimage, November 1977

Je voudrais commencer par une introduction très générale sur la nature même du cinéma.
Quelqu'un a mentionné précédemment le titre de l'un de mes films.

Il l'a prononcé TWO MEN. La prononciation correcte est TWOMEN. Elle est la verbalisation de l'effort visuel que doit fournir le cerveau pour lire les images d'un film. J'ai choisi ce titre pour ses qualités programmatiques tout à fait caractéristiques du film. C'est parce qu'il traite de la lisibilité horizontale du film, par opposition à la lecture verticale, que le titre est programmatique. La lecture horizontale est relative à l'axe temps. Il s'agit de tirer des informations de la succession proprement dite des différents segments de temps du film. On parle de lecture vertical lorsque le spectateur doit traiter des informations aux différents niveaux d'une image (gl. 8) au cours d'un même segment de temps. Par conséquent, il n'est pas impossible que la lecture horizontale et la lecture verticale des images puissent s'effectuer simultanément. Tout ce que je vais dire ne vous paraîtra pas évident et ne sera pas immédiatement compris. Mais la plupart des explications qu'il me faut fournir ne figurent dans aucun autre ouvrage sur le cinéma, ce qui explique, me semble-t-il, leur importance. Nous savons tous que le film est une bande de celluloïd qui transporte une série d'images qui seront projetées pendant un laps de temps déterminé. Pensez à présent à l'étrange graphie du titre T-WO-MEN pour laquelle trois images consécutives ont été utilisées : une première pour le T, une seconde pour le WO et une troisième enfin pour le MEN. En projetant ces images, on obtient une courte chaîne d'informations cinématographiques. Par le phénomène de la persistance rétinienne (gl. 45), les images se fondent et le titre se lira "two women". Il y a fusion dans un même temps des images A et B et des images B et C. Toute ambiguïté sémantique résulte de la fusion de deux unités d'information que j'appellerai des "kinèmes" (gl. 20). Lorsqu'on se concentre sur le véhicule qu'est le cinéma, et que l'on s'interroge sur sa signification, sa performance, ses bases, ses petites unités constitutives, alors je puis répondre que le cinéma n'est pas tant l'image que la différence entre deux images. Le cinéma, c'est le travail que doit fournir le cerveau pour abouti à la fusion de deux images. Cette petite unité que j'appelle kinème est la plus petite possible du langage cinématographique. Bien qu'elles soient composées d'une multiplicité d'unités, ces composantes visuelles ne suffisent pas à définir à elles seules le langage cinématographique. Une image prise isolément comme unité ne nous fournira qu'une information photographique. Mais par contre, si on a deux images sous les yeux, la différence entre ces deux images constitue la plus petite unité possible de ce langage, à savoir l'information cinématographique. Chaque film peut être examiné sous cet angle différentiel. La différence entre deux images résulte de la liaison spatio-temporelle de celles-ci. L'analyse du kinème nous permet de tirer des conclusions sur l'utilisation du langage cinématographique. Celles-ci nous permettent également de définir le niveau informatif du film par rapport au travail cérébral que doit fournir le spectateur. A ce jour toutefois, les critiques du cinéma et ses théoriciens, voire même les spécialistes de la sémiotique du film, se contentent d'étudier des unités plus longues : les séquences du montage.Sous le regard de la théorie de l'information, un simple coup d'oeil sur l'histoire du cinéma montre qu'il n'a jamais servi qu'au transport de l'information. Pour réaliser les premiers films, on laissait tourner la caméra préalablement assemblée et munie d'un magasin (gl. 19) de pellicule jusqu'à épuisement de cette réserve de pellicule. Ces premiers films portaient le nom de "one reelers" (gl. 34). Ils avaient alors une durée de trois à cinq minutes. Si je considère à présent les différences entre les images isolées ou kinèmes, je m'aperçois que la différence spatio-temporelle est infime. Toutes les images entretiennent entre elles une même relation : de a1, a2, a3, a4 jusqu'à an , dernière image ou fin du film. Mais Méliès devait découvrir de façon tout à fait fortuite un nouveau type de relation spatio-temporelle. En 1896, alors qu'il filmait prosaïquement le va-et-vient de la Place de l'Opéra, la caméra s'arrêta quelques secondes. A cause de ce blocage, on vit au cours de la projection du film un omnibus (gl. 47) tiré par des cheveaux changé en corbillard (gl. 7), des hommes changés en femmes, et inversement. Parmi tous les kinèmes chargés des mêmes différences spatio-temporelles de l'information visuelle, il y en avait un pour lequel cette différence était plus importante le temps était raccourci et la différence accrue. Cette nouvelle propriété du kinème devait influencer l'évolution du langage cinématographique. on parlera d'accéléré lorsque la différence temporelle touche une grande quantité d'images et de ralenti lorsqu'au contraire la différence de temps entre les images est nettement moins considérable. Il va sans dire qu'une telle séquence est aussi riche d'informations qu'une prise de vues normale parce que chaque image du film ralenti ou accéléré laisse entrevoir la suivante dans une mesure analogue à celle de films normaux et proportionnellement aux différences de temps. En d'autres termes : plus les chances de deviner le kinème suivant sont réduites, plus le niveau, informatif du filmest élevé. Dans une optique strictement cinématographique, on peut en déduire que la prévisibilité du kinème détermine le niveau informatif du film.Cette thèse correspond au rapport de proportionnalité entre l'importance du niveau d'information et la précocité avec laquelle le cinéma exploite les possibilités qui lui sont inhérentes. Par la négative, on dira dans ce cas que le cinéma n'est pas empreint de la grammaire d'autres medias.

Avec le déplacement de la caméra ou le changement du point de prise de vues, une nouvelle étape était franchie dans l'évolution du langage cinématographique. Le film de Porter intitulé "La vie d’un pompier américain" (NDT 1) illustre très bien cette technique du changement du point de prise de vues (gl. 11). Porter a eu recours dans ce film à ce qui serait appelé aujourd'hui un documentaire sur le travail des pompiers qui avait été tourné antérieurement par d'autres réalisateurs et auquel il a ajouté ses propres prises de vues montrant une jeune femme et son enfant dans une maison en flammes. Cet incendie a toutefois été éteint par un jet d'eau projeté et filme un an plus tôt. Ce qui nous intéresse i-ci, c'est
l'assemblage d'images filmées en des lieux et à des époques différentes.
Après cette étape, d'autres furent franchies qui contribuèrent à élaborer la structure narrative du film. Le montage tient généralement en l'assemblage de scènes constituées de kinèmes pauvres en informations, a1 à an, et commençant par les kinèmes b1 à bn, c1 à cn, etc. On accordait autrefois une moindre importance aux kinèmes porteurs de plus d'informations à savoir les kinèmes qui servaient de transition entre an/bl, bn/cl, cn/dl, etc. Kuleshow, Pudowkin et Eisenstein furent parmi les premiers à reconnaître l'importance de la mise en parallèle de deux scènes consécutives (la scène a1 à an mise en regard de la scène b1 à bn).

Les principes associatifs de montage d'Eisenstein étaient connus sous le nom de montage des attractions (gl. 31). Ce qui signifie, pour ne donner qu'un exemple, qu'Eisenstein cherchait à fusionner des idées en opposant un plan un (a1 - an / b1 - bn) à un plan deux. Sur la première prise de vues, un animal, sur la seconde, un capitaliste. C'est la mise en parallèle du contenu de ces deux plans qui produit la fusion des idées aussi appelée information. Les théories sur le montage qui ont suivi celle d'Eisenstein partaient toutes de questions du type : quelle est la signification de deux scènes consécutives lorsqu'elles sont considérées l'une par rapport à l'autre et lorsqu'elles le sont conjointement ?
Chaque fois qu'ils ont voulu avancer une thèse sur le langage filmographique, les théoriciens du cinéma ont concentré leurs efforts sur le montage proprement dit. A certains égards, ce point de vue a connu son heure de gloire dans le cinéma narratif étroitement lié à des contenus littéraires. Mais cette méthode critique échouerait si son fond ne dissimulait aussi manifestement les qualités visuelles du cinéma, en d'autres mots, si le cinéma exploitait ses possibilités médiatiques. Les critiques de cinéma n'ont nullement ignoré des films aussi inattendus. Celui de Fernand Léger, "Ballet Mécanique" (NDT 2) est l'un de ces films tout à fait inhabituels qui sortirent du cadre fixé par les catégories de pensée connues et utilisées. Léger n'a pas utilisé le film conne véhicule littéraire mais a conçu quantité de nouveaux kinèmes inspirés des mouvements optiques. Pour la critique toutefois, quiconque s'évertue à libérer le cinéma de son vieux carcan fait habituellement figure d'isolé. Et sans comprendre son travail de ciné-artiste (gl. 14) ou de réalisateur, seul le peintre de l'oeuvre était tenu
en estime. Un des premiers à considérer avec sérieux le rôle charnière de la dernière image an d'une scène fut Peter Kubelka dans son film "Safari en Afrique" (NDT 3). L'exemple qui illustre le mieux à ses veux la transition an - b1 est celui du fusil que l'on retrouve au même endroit sur b1 que le cou de la girafe qu'il abat sur an. Outre la fusion visuelle des places et positions respectives de la girafe et du fusil sur les images, on obtient en plus des informations sur le rapprochement du contenu de ces deux images (c - à - d. leur fusion idéologique). Les lignes traditionnelles de la pensée cinématographique se bornent quant à elles à la seule durée d'un plan comme unité de travail.
Si l'on considère le cinéma du seul point de vue de la théorie de l'information qui envisage l'accumulation de la quantité d'informations transportées par chaque plan pris isolément et par la juxtaposition de deux plans, l'évolution que laisse transparaître l'histoire du cinéma de ses origines avec Lumière et Méliès à nos jours suit une courbe asymptotique représentative de l'accroissement d'informations. Ce constat concorde avec le principe général de progrès de Richard Buckminster Fuller, nommé dymaxion (gl. 10), "d'obtenir l'effet maximal avec le minimum de matériaux ou d'énergie". A mon avis, ce principe que Fuller appliquait à la conception industrielle convient également au cinéma. Il est une constante dans 1'évolution des civilisations qui veulent toujours obtenir "un maximum à partir d'un minimum". Il suffit pour s'en convaincre de penser à l’évolution du téléphone, de la radio, de la télévision, de l'ordinateur, etc. C'est également à Fuller que l'on doit les dômes géodésiques. J'ai visité cet après-midi sa serre. Lors de sa conception se posait le problème de la luminosité maximale indispensable aux plantes, qui ne pouvait être résolu qu'en utilisant un minimum de matériaux. Le dôme géodésique transparent était la solution tout indiquée.
Comparez un instant le flux d'informations qui s'est peu à peu fait ininterrompu dans les épopées du début de l'histoire du cinéma avec celui que nous avons appris à percevoir aujourd'hui. Comparez encore les publicités télévisées actuelles avec celles réalisées il y a 10 ou 20 ans. Nous pouvons Parier dès à présent d'une accoutumance aux surimpressions (gl. 29), au scintillement (gl. 15) de courtes unités d'images isolées, etc. Pour le film publicitaire, il s'agit de montrer le plus d'informations possible sur le produit en un temps des plus réduits. le niveau informatif est généralement bien plus élève qu’autrefois. On peut en dériver une tendance à vouloir transporter un maximum d’informations par un minimum de kinèmes. Le cinéma est une langue vivante, en mutation constante, à laquelle nous nous initions et que nous devons apprendre à manier. Le processus d'assimilation de ce langage est la plupart du temps inconscient, un exercice de répétition. Tel est notre point de vue.
Que signifie tout cela ? A quoi aboutit cette tendance ? Lorsque les théoriciens du cinéma analysent un film, je trouve incorrect de leur part de ne l'analyser que du seul point de vue du montage. Contre leur démarche, j'avancerai que tout passage d'une image à une autre est une l'orme de montage. Cette phrase n'est pas très sensée. D'abord parce que l'acception du terme montage est souvent utilisée erronément et ensuite parce que ce terme devient tautologique si le film n'est constitué que de montages. C'est la raison pour laquelle l'appelle kinème cette petite unité qui est le plus petit élément constitutif du langage cinématographique. A l'avenir peut-être ce terme verra-t-il son utilisation généralement répandue. C'est la différence entre deux images qui définit le kinème. Plus simplement, la différence spatio-temporelle peut augmenter en partant de d0 (symbole de l'absence de tout mouvement perceptible) et en passant par dmin (symbole de l'illusion cinétique a1, a2, a3) pour aboutir à dmax (a, b, c) capable d'engendrer la fusion des formes et des lieux que j'appellerai des ruptures de séquences (gl. 17) (NDT 4). Mais il est inexact de dire que l'image a se fond avec l’image b parce que de son côté l'image b se fond également avec l'image c pour finir par obtenir des chaînes de fusions ou d'informations.
En pensant à l'informativité du film, je me suis souvenu d'un ancien jouet optique anglais inventé en 1826 par Fitton et Paris : le thaumatrope (gl. 44). Ce jouet est constitué d'un petit disque de carton dont chaque face porte un dessin différent et qui donne l'illusion d'un troisième dessin quand on le fait tournoyer entre ses doigts suffisamment vite. D'un côté un oiseau, de l'autre une cage et voilà l'oiseau prisonnier dans la cage si l'on fait se succéder rapidement les dessins. L'effet de thaumatrope démontre selon moi combien les kinèmes peuvent être effectifs dans le cinéma.
Quelle quantité d'informations peut-on tirer des images a/b par rapport aux images a1 / a2 sources de l'illusion cinétique? Comme le montre le cinéma, la perception du mouvement dépend toujours des segments de temps. Mais il est moins aisé de comprendre que les
ruptures de séquences sont elles aussi tributaires des segments de temps. Nous avons en effet coutume de n'y prêter attention que s'ils sont courts. Si au contraire, on prenait en compte des segments de temps plus longs, des ruptures de séquences se produiraient. Le film de Méliès évoqué précédemment est un exemple relativement moins important. Si on y ajoute d'une
part l'étape du mouvement de la caméra et d'autre part celle, ultérieure, du déplacement de la caméra, la différence est considérable, de l'ordre de celle qui pourrait mettre l'oiseau en cage.
Nous ne devons pas négliger l'existence d'une relation spatio-temporelle latente. Je tire cette conclusion du fait qu'il y a en permanence une liaison spatio-temporelle dans le kinème. La rupture de séquences n'est pas autre chose qu'une forme particulière du mouvement, une grande distance spatio-temporelle. Je crois pouvoir rapprocher ces films de type thaumatrope du postulat du poète français Guillaume Apollinaire : "Il faut que notre intelligence s'habitue à comprendre synthético-idéographiquement au lieu de analytico-discursivement" (NDT 5).

On pourrait se souvenir dans ce contexte des méthodes de déchiffrage caractéristiques des idéogrammes chinois. La collision entre deux signes en fait naître un troisième d'une signification différente. L'illusion qu'éveillent les kinèmes dans l'esprit du spectateur constitue le fond imaginatif du film.
Hier Dore et moi nous sommes rendus à Montréal où nous avons rencontré Norman McLaren qui consacre sa vie au cinéma. Dans son dernier film il tente précisément de cerner le cinéma. Je l'ai interrogé sur son opinion, sur ce qu'il pense être la nature du film et ses capacités. Grâce à son film, il envisage d'apprendre à ses étudiants ce qu'est l'animation et ce qu'un film est en mesure de fournir. Peut-être pourriez-vous prendre connaissance des catégories cinématographiques de McLaren. Il en a évoqué cinq qui s'appuient sur le principe selon lequel les films sont des médiateurs du mouvement. Selon McLaren, les différents types de mouvements dans le cinéma sont les suivants :
1. le mouvement constant ; 2. Le mouvement accéléré ; 3. Le mouvement ralenti ; 4. L’absence de mouvement (stabilité des images) ; 5. Le mouvement imprévisible. J'aimerais vous demander si nous pouvons réellement ranger dans ces cinq catégories toutes les réalisations du cinéma. Peut-être les films sont-ils capables de fournir plus encore ? McLaren privilégie également l'étude du mouvement en tant que véhicule des émotions ("emotion by motion") (NDT 6) . A mes yeux, c'est la raison pour laquelle il différencie également l'accéléré du ralenti. Mais que le kinème peut-il avoir affaire avec les émotions ?
Je pense quant à moi que l'accéléré et le ralenti entrent dans une même catégorie. Les mouvements y sont tout aussi prévisibles que dans les catégories absence de mouvement ou mouvement constant. En disant cela, je compare la possibilité de prévoir des mouvements avec le processus d'anticipation de chiffres dans des séries, de sorte qu'à la suite de 1, 2, 3, on peut supposer que suivra un 4; ou un 31 à la suite de la série 61, 51, 41; ou encore un autre 3 à la suite de la série 3, 3, 3; de même qu'un 6 à la suite de 1, 7, 3, 10, etc. C'est de cette manière que l'on obtient des séries croissantes ou décroissantes, constantes, régulières ou irrégulières. Pour McLaren, la liaison entre le mouvement et les émotions motive-t-elle sans doute le fonctionnement de ces catégories. Vous avez pu vous apercevoir que je n'ai utilisé pour ma part qu'une seule description pour toutes les informations cinématographiques possibles. La formule du kinème est la suivante : k = (a + 1) (x, y, t) - (a) (x, y, t). Si l'on traduit cette formule en mots, elle signifie que la fusion des images (a + 1) et (a) constitue l'information cinématographique. Celle-ci s'appuie sur les différences qui distinguent les trois paramètres de cette information cinématographique, à savoir les dimensions du signal, les coordonnées spatiales x, y et la coordination temporelle t.
Pour faire une analyse sérieuse d'un -film sans s'en tenir à la seule narration de ce qui nous est apparu comme son contenu littéraire, il faut recourir à la cybernétique qui offre des modèles de classification des kinèmes et des moyens de description des liens unissant les différents champs informatifs. On pourrait également concevoir de s'aider d'appareils tels que des potentiomètres capables de mesurer l'énergie de l'information contenue dans un kinème voire dans tout un film. L'énergie de l'information provient de la "friction" de deux images. Un spectateur pourrait éventuellement ne souhaiter qu'un potentiel bien défini de cette énergie pour une soirée. En plus de la classification des kinèmes, on prend mieux conscience
de l'efficacité et des possibilités du kinème grâce à l'étude syntaxique, c'est-à-dire l'étude de la place des éléments. Par conséquent, le plan sémantique ne manquera lui aussi d'être influencé. Une nouvelle pensée cinématographique peut enfin naître. Elle devient possible parce que nous savons que notre pensée est influencée par la grammaire que nous utilisons. Ce sont les règles de notre grammaire qui régissent nos pensées et c'est pour cette raison que
nous inventons des langages artificiels destinés à énoncer les pensées que nous interdisent les moyens de communication classiques. Comme Benjamin Lee Whorff l'a à maintes reprises souligné, le progrès de la pensée n'est possible qu'en allant à l'encontre des normes du langage ou en modifiant celles-ci. Cette pensée relève du même ordre d'idée que celle de Philip
Frank qui décrivit la théorie de la relativité du temps d'Einstein comme une réforme de la sémantique.
Lorsque les scientifiques ont été confrontés à ces problèmes, ils ont réalisé que seuls de nouveaux systèmes logiques pourraient leur permettre de poursuivre leurs travaux. La logique du langage cinématographique s'appuie sur l'utilisation des petites unités. Nous avons tendance à oublier trop facilement que le cinéma et sa logique spécifique constituent en fait un langage relativement récent qui nous a été inculqué péniblement et qui réside encore bien souvent dans le subconscient de notre génération. Nous ne pouvons pas prétendre que la compréhension de la combinaison de deux plans allait de soi. Il ne nous était pas aisé de comprendre la relation qui existe entre un plan montrant une rue où se tient un personnage qui lève les yeux vers le ciel et le plan suivant où l'on aperçoit dans l'embrasure d'une fenêtre un autre personnage qui dirige son regard vers le bas. Nous ne saisissions qu'avec peine que nous avions affaire dans ce cas à un processus d'interaction entre les deux personnages. Mais nous avons appris à comprendre ce type d'interactions. Songez donc aux difficultés qu'ont rencontrées Bitzer (NDT 7) et Griffith lorsqu'ils ont introduit dans le cinéma le plan américain (gl. 2). Le producteur pensait que jamais le spectateur ne comprendrait pourquoi l'acteur était coupé à la taille. C'est ainsi que se sont succédé les étapes qui nous conduisirent au cinéma tel que nous le connaissons aujourd'hui.
Dans cet ordre d'idée, nous ne devrions pas perdre de vue que la plupart de ces étapes ont été franchies contre le gré de l'establishment de l'industrie cinématographique. Cette institution au service des désirs du spectateur ne montre aucun intérêt pour la créativité et se donne tout au plus la peine de vendre encore et toujours les mêmes films où seul le divertissement du grand public et non l'effort, la participation de l'intellect entre en ligne de compte. Si certaines recettes dudit cinéma d'avantgarde ont pu se frayer un passage dans le cinéma commercial, c'est uniquement parce qu'elles répondaient à la nécessité de nouvelles modes. A force de revoir on a fini par comprendre. La digestion s'est faite compréhension. Sans savoir que le cinéma renseigne essentiellement sur lui-même, qu'il se confie, les industries du film continuent de nous vendre de la fiction et du sensationnel. Le film ne transmet pas l'objet mais l'image de cet objet qui est inhérente aux ressources du langage cinématographique. Le cinéma n'exprime que lui-même, sa propre nature. Il nous dit pourquoi il se prête si bien à refléter l'étrange jeu de l'alternance des choses. La manière de traiter le matériau cinématographique, l'usage fait des kinèmes et le niveau informatif, tout cela détermine l'intensité de l'effort que doit fournir le cerveau du spectateur. Et cet effort n'est autre que le message du film.
En 2000 av. J.-C., un ancien Sumérien soulevait déjà ce problème en se plaignant sur une de ses plaques d'argile de ce qu'il n'y avait plus de nouvelles histoires à raconter parce que toutes les histoires possibles avaient déjà été contées et étaient déjà connues. Dans la suite, la littérature devait toutefois s'avérer riche de nouveaux récits. Récits dont l'importance n'avait rien à voir avec leurs contenus, mais qui était justifiée par la manière dont le matériel linguistique était utilisé. Cette utilisation reflétait en outre une perception sans cesse changeante du monde. L'organisation de ce matériel linguistique et la structure des éléments utilisés influencent le spectateur.
On pourrait aborder ici le problème de la brutalité qu'engendrent les films de gangsters. Le spectateur qui est conscient de l'organisation parfaite de ce qui est porté à l'écran est moins sujet à la violence que celui qui est dépourvu de toute éducation esthétique et qui s'identifie en toute naïveté au gangster héros du film. Comme le langage est une expression de la pensée, la pensée est déterminée par les formes de langage. A force d'utiliser sans cesse les mêmes structures narratives dans le film commercial, le cerveau du spectateur finit par s'ankyloser. Ce qui nous amène par exemple à toujours emprunter le même chemin pour traverser une surface de gazon alors qu'il en existe une infinité. Les voies de notre conscience sont piétinées. Les neurones (NDT 8) de notre cerveau fournissent sans cesse le même travail. A cet égard, on peut affirmer que notre aptitude à la perception est soit renforcée, soit affaiblie par notre utilisation du langage ou par ce que nous avons l'habitude de voir. L'utilisation de la langue est une simple voie d'accès à la réalité. on compte autant de réalités différentes qu'il y a de systèmes logiques différents et de grammaires différentes dans les langues. Si nous nous interrogeons sur l'essence de la réalité du langage cinématographique, nous découvrons ce qu'on appelle des champs informatifs dont il est possible de décrire statistiquement le contenu. Le niveau informatif est déterminé par la théorie de la probabilité. Une caractéristique essentielle du kinème est son ambiguïté. L'information cinématographique est comme une tête de Janus à deux visages opposés : l'un regardant devant lui, l'autre derrière lui. Ce qui signifie que dans une série de quatre images a, b, c, d, non seulement b et c, mais aussi b et a et c et d forment des kinèmes entre eux. Après réflexion, on pourrait qualifier les relations internes du kinème et les relations des kinèmes entre eux dans leurs champs informatifs de relations d'indétermination et d'incertitude dans le sens que leur donnait Heisenberg. L'illusion constante de la perception est une fonction du temps. Le travail ou l'aptitude cérébrale à l'intérieur des séquences temporelles est tributaire de l'organe des sens. Alors que le kinème enregistre deux séquences temporelles, la perception du kinème ne s'étend que sur une seule de ces séquences qui recouvre toutefois une partie de la seconde. Si l'on compare le temps emmagasiné par deux images avec la mémoire qui enregistre ce temps, la lenteur de la perception d'unités mémorisées produit l'imagination. L'imagination devient elle-même
l’illusion du temps fictif enregistré.

L'imagination est donc une fonction des souvenirs. Le choc des souvenirs produit l'imagination. Ceci explique au demeurant pourquoi des éléments que nous n'avons pas encore mis en mémoire n’évaeillent pas notre imagination. Ce dont est capable l'imagination, c'est de modifier l'agencement des éléments et de créer de nouveaux liens. La fascination que suscite le cinéma peut s'expliquer par son analogie avec le processus imaginatif de la pensée.

L'ambigulté probable de l'information filmée est liée à des champs de kinèmes organisés sur le modèle du thaumatrope. Une différence maximale peut dès lors refléter une relation d'incertitude. Un grand nombre d'illusions ou de décisions contradictoires suscitent
l'indécision de l'esprit, source potentielle d'un cinéma d'une toute nouvel-le qualité. Voici pour
suivre un exemple simplifié des différentes illusions qui s'opposent a la perception de la
l'image a montre par exemple une chaise et la suivante un homme en position assise. S'ils sont projetés, ces kinèmes montrent l'homme assis sur la chaise. Que se passe-t-il si s'ajoute à ce kinème une autre image représentant cette fois un canapé se trouvant au même endroit sur l'image que la chaise sur la première image ? Alors l'image de l'homme formera avec celle du canapé un nouveau kinème. La fusion des images donne l'impression que l'homme est assis sur la chaise et sur le canapé en même temps. C'est la raison pour laquelle on est rarement certain de ce qui se passe. C"est ce qu'on appelle "faire du cinéma".
Une autre influence dont il nous faut tenir compte est celle de la perception sociale (social perception) (NDT 9), sujet que je n'aborderai que brièvement. Même lorsque nous regardons tous une même image, nous en voyons pourtant chacun une différente. Ce processus est inéluctable, même dans de simples filins sur Tarzan ou sur la jungle. Si l'on demandait à chacun de raconter ce qu'il a vu, on s'apercevrait que nous avons tous vu le même film différemment. La perception de chacun a sélectionné ce qui lui paraissait le plus important. Parallèlement à cette première sélection, il en existe une autre qu'illustre cet exemple bien connu: si l'on demande à un spectateur d'estimer la taille d'une pièce de monnaie qui aurait été préalablement projetée, le pauvre, contrairement au riche, surestimera sa taille. Le facteur social produit lui aussi des perceptions différentes d'un même objet.
Le prochain point me conduira dans un domaine à la fois philosophique et matérialiste. Lorsque deux images montrent la même chose, on est tenté de dire qu'elles sont identiques et que seul les différencie le moment auquel elles ont été filmées ou projetées. Cette différence n'est pas apparente. Mais il en existe cependant une qui fait que jamais deux images filmées ne sont identiques. Ceci peut paraître quelque peu stupide voire insignifiant mais ne l'est pas. Le grain de chaque image est différent, si bien que ces images ne peuvent être semblables, même lorsqu'elles représentent un même objet. Tout ceci devient évident si vous agrandissez un petit coin d'image à des proportions gigantesques pour y observer le mouvement du grain porteur de l'information. Les grains sont pour ainsi dire "inscrits" dans le film quasi simultanément. Je ne suis pourtant pas certain qu'il y ait des différences temporelles relatives aux couleurs. Toutefois le terme simultanément s'avère adéquat (lorsqu'on considère la restitution) si l'on compare le cinéma à la double inscription (gl. 39) horizontale d'un film sur un écran de télévision : de gauche à droite et ligne par ligne à l'image du processus de lecture. La télévision fait alors office de livre électronique. Je me demande pourquoi les Japonais ne construisent pas de téléviseurs à lignes verticales. Techniquement parlant, ce serait très facile. Un jour peut-être saurons-nous dans quelle mesure ce livre électronique occidental a influencé la culture japonaise.
En ce qui concerne ma propre définition du film, j'aimerais vous parler de l'un d'eux que j'ai réalisé en 1967. Et il ne s'agit pas d'une simple anecdote. A l'époque nous disposions de deux pièces superposées dont une au sous-sol destinée à la production proprement dite de films. Il s'agissait en fait d'une cave humide. Alors que j'y découpais un film et accrochais les bandes de pellicule au mur qui n'était pas sec, il me fallut interrompre mon travail pour deux ou trois mois à cause d'un voyage. Lorsque j'en revins, le mur était couvert de moisissure. J'introduisis le film dans un moviscope (gl. 33) (le moviscope est une visionneuse (gl. 13) qui permet de regarder les images d'un film les unes après les autres). Je me concentrai alors sur une image de ce film. C'était une image tout à fait normale montrant un gazon avec une femme qui devait être Dore. Je la projetai et vis comment la chaleur de la lampe fit naître un film sans qu'une seule image ne soit déplacée. L'émulsion que contient la gélatine d'un film est, en effet, composée de plusieurs couches dont l'argent et les nitrates par exemple. Et voici ce qui se produisit: à cause de la chaleur, les microbes s'étaient mis à bouger au sein même du celluloïd ou sur celui-ci. C'est ainsi que ces petits microbes ont déplacé le vert de l'herbe vers le ciel et le bleu du ciel vers la terre. Ils ont également déplacé Dore. Il y eut énormément de mouvement au sein même d'une image fixe. Je fis par la suite quelques projections de ces images-film ou film à une image que j'appelle film fixe/film animé (NDT 10) et je me suis demandé si une image pouvait faire à elle seule tout un film.
Précédemment dans cet exposé j'ai employé l'expression "lisibilité horizontale" du film. J'aimerais à présent expliquer mon acception de cette expression. Lorsque j'utilise l'adjectif "horizontal", je me réfère à la fusion des kinèmes sur l'axe temps. Il s'y produit toutefois encore un autre type de fusion celle des différents niveaux du matériau lui-même. Je pense à la surimpression. Si vous avez par exemple un niveau visuel, vous pouvez discerner cette fusion tant additive que soustractive au niveau suivant, puis au troisième, quatrième, cinquième, etc.; c'est ce que j'appelle la lisibilité verticale.
La lisibilité horizontale est un processus qui se déroule dans le cerveau du spectateur alors que la lisibilité verticale s'appuie sur des processus qui ont déjà affecté le matériau film.
C'est ainsi que s'achève mon introduction sur les principes généraux du cinéma et sur ce que contiennent mes films.
Question: Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la différence entre votre notion de kinème et la notion plan contre plan de Kubelka ?
Nekes: Elle me demandait la différence entre ce que fait Kubelka et ce que je pense. (Rires)
Question: ce n'est pas du tout ce que j'ai demandé, mais ça ne fait rien.
Nekes: Si je l'ai bien compris au cours des entretiens que nous avons eus à ce propos lorsque je l'ai invité à Hambourg pour y donner une conférence, je crois pouvoir dire que Kubelka étudie précisément le kinème du montage an / b1, celui par lequel le cou de la girafe et le fusil occupent la même place sur les images. Il appelle cette opposition une articulation cinématographique et met en rapport les plans al - an et b1 - bn. Je considère cette utilisation du kinème comme une étape importante parce qu'elle tient compte lors du montage de la taille des objets. Dans mes travaux par contre, le kinème est défini comme l'unité de base du langage cinématographique. Vous ne le rencontrerez pas seulement en début ou en fin de
scène. Il différencie en effet toutes les images.
Il est possible de bâtir autour de cette articulation constante un cinéma nouveau que l'on pourrait baptiser cinéma vibratoire en raison de la vitesse de ses kinèmes et de leur niveau informatif élevé. J'ai fait ma première tentative en ce sens en l971, lorsque j'ai réalisé "Spacecut". Dans ce film, il m'a fallu environ 40 000 kinèmes pour décrire un vieux terrain de prospection. J'ai réalisé un western pour les yeux en prospectant le media film comme les chercheurs d'or, le paysage. Ce que je découvris c'était aussi une sorte d'or, mais pour moi c'était de l'or visuel.
Par cet autre exemple, j'aimerais vous décrire la manière dont j'ai réalisé la dernière partie de
"T-WO-MEN". Elle a été enregistrée de la manière suivante :
premier niveau    A X A X A X A X A X
de l'image
deuxième niveau    B B X X B B X X B B
de l'image
troisième niveau    C C C X X X C C C X
de l'image
quatrième niveau    D D D D D X X X X X
de l' image
Somme des niveaux    4 3 3 1 3 1 2 1 3 1
(fusion verticale)
Somme des niveaux    7 6 4 4 4 3 3 4 4
(fusion verticale et
horizontale des 10
premières images)

A, B, C, D sont des images exposées; X une image qui n'a pas été exposée lors de la prise de vues. Cette surimpression d'images isolées est une partie de ce que j'appelle le cinéma vibratoire. Elle n'en constitue toutefois que l'alpha. En songeant aux possibilités offertes par ce procédé, on peut très bien concevoir de mettre au point un nouveau langage
cinématographique. Quoi qu'il en soit, la dernière partie de "T-WO-MEN" jouit du charme des premiers trains.
Le sous - titre de "T-WO-MEN" est "Whatever Happened Between the Pictures ?" (NDT 11). Ce qui se passe entre les images, c'est précisément ce qu'on appelle le cinéma. Je me suis ensuite demandé ce qui se passe à l'intérieur d'une image. Avec du matériel cinématographique courant, le rayon lumineux qui transporte les images est interrompu 24 fois par seconde en cours de projection. En outre, la projection d'une même image peut être interrompue à une ou plusieurs reprises par l'obturateur (gl. 41). C'est ainsi que chaque image est projetée plusieurs fois afin de réduire la fréquence de scintillement (gl. 15).
Je ne définirais pas cette fusion d'une image avec elle-même comme un kinème. Je la considérerais plutôt comme une constante du transfert technique de l'information cinématographique. Cette différence d0 correspond à l'inscription double d'une image télévisée. Ce sont d'abord les lignes impaires qui sont écrites, ensuite les lignes paires intermédiaires. L'enregistrement d'une image télévisée combine la reproduction et la projection de cette image. Le procédé du balayage (gl. 36) est similaire. Mais il va de soi que l'enregistrement d'une image par la caméra n'est pas interrompu par le diaphragme à secteurs (gl. 40) ou obturateur (gl. 41) tout simplement.
Mais si je ramène le problème de l'enregistrement d'une image au domaine du cinéma : que se passe-t-il au sein d'une image ? Qu'est-ce qui différencie une image d'elle-même ? La question peut sembler stupide mais elle nous amène à un point important de la définition de l'information photographique. Je pourrais ne retirer qu'une seule image de n'importe quel film et m'interroger sur sa signification, sa valeur temporelle. Chaque image emmagasine une quantité de temps. C'est le temps nécessaire l'enregistrement d'une image ou à son remplissage. C'est son temps d'exposition d'une durée moyenne d'1/50e de seconde. Les films que nous voyons habituellement nous ont à ce point habitués à cette durée d'exposition que
nous en oublions trop facilement qu'elle n'est que très relative. Pourquoi relative? Parce qu'une seule image d'un film sorti des studios de Hollywood pourrait tout aussi bien constituer un film d'une heure ou deux ou, en inversant le cours du temps, parce qu'une seule image pourrait être exposée pendant une durée égale à celle d'un des films hollywoodiens.

Lorsque nous regardons un film, nous avons pris l'habitude de penser que ce que nous y voyons a forcément quelque chose à faire avec ce que nous verrions si nous étions sur les lieux du tournage. Dans un certain sens, ce n'est pas tout à fait incorrect. Mais il faudrait nous souvenir Que le cinéma n'est qu'un langage, voire un outil conçu aux seules fins de nous transmettre un reflet ou plus exactement une illusion de la réalité. C'est un outil qui rend visible l'invisible : un outil qui conserve l’information visuelle dans le temps. Lorsque j'ai dit qu'une seule image pouvait constituer un film d'une heure ou deux, je faisais allusion au temps enregistré. Le temps et l'information visuelle emmagasinés dans cette seule image équivalent au temps nécessaire a un appareil de prise de vues ultra rapide (gl. 18) très perfectionné pour filmer une quantité d'images nécessaires à une projection d'une heure ou deux. Il faut évidemment que ces deux images soient projetées à la même allure. Si nous n'avions par hasard été accoutumés qu'à des films à prises de vues ultra rapides, le temps d'exposition de films tournés à cadence normale nous semblerait extrêmement long, comme si les images avaient été exposées une éternité.

Lorsque la photographie n'en était encore qu'à ses balbutiements, la principale difficulté à laquelle se heurtaient les photographes était la faible sensibilité du matériau auquel les images étaient exposées. Des temps d'exposition de longue durée étaient nécessaires. Et le sujet à photographier ne pouvait pas bouger, sans quoi l'image aurait été floue (gl. 48). Mais que reproche-t-on au flou (gl. 48) de l'image ? Ne percevons-nous pas nous-mêmes certains mouvements très rapides avec ce même flou (gl. 48) ? Cela signifie que notre perception dépend de la fragmentation du temps. C'est une constante biologique de nos organes de la vue.

La photographie et le cinéma simulent la vitesse de perception de nos organes. Mais on ne s'est pas contenté de simuler et on a même poussé la technique aux prises de vues accélérées et ralenties. Parce que nous sommes préconditionnés par nos sens, le cinéma a négligé d'emmagasiner au sein de l’image des unités plus longues. Mais lorsque la luminosité est insuffisante, il arrive que les temps de pose soient prolongés. Le cinéma étant un langage artificiel, nous ne devons toutefois nous soumettre à aucune règle. Bien au contraire ! Nous devrions exploiter toutes les possibilités de ce médium. Un point que l'on meut pendant le temps d'exposition d'une image se transforme en une ligne. Si l'on meut cette ligne, elle se transforme en une surface plane qui, animée, suggère un espace. J'emploie la beauté du flou dans la quatrième partie de "T-WO-MEN". Il nous apporte un autre type d'information: le rapport du mouvement et de l'espace. J'aimeras compliquer un peu plus tout cela et vous donner un exemple cinématographique. J'organise donc une scène, que j'aimerais tourner. Cette scène dure  neuf minutes. Pur la filmer à 24 images par seconde, il m'en faudra environ 10 000. Ces 10 000 images sont donc égales à neuf minutes de projection à raison de 24 images par seconde. Lorsque le tournage est termine, je retire le film de la caméra et je tourne à nouveau la scène, cette fois cependant avec un appareil de prise de vues ultra rapide à 240 i.p.s. (NDT 12). Ce qui me donne 100 000 images pour neuf minutes de tournage mais nonante minutes de projection. Si je tire (gl. 24) une image sur 10 de cette pellicule de 90 minutes sur une autre bobine, j'aurai un film composé des images 1, 11, 21, 31, etc., un autre composé des images 2, 12, 22, etc.
Je poursuis l'opération jusqu'à obtenir dix rouleaux de pellicule avec dix films différents. Nous disposons donc finalement de onze films différents que nous pouvons projeter à cadence égale avec onze projecteurs différents. Mais verrons-nous le mêmefilm? Serons-nous capables de discerner les différences entre les films alors que nous savons, après tout ce travail, qu'ils sont différents ? Mais qui pourrait s'en apercevoir ?

Le seul spectateur capable de différencier ces projections serait la mouche. Les mouches ont en effet une vision dix fois plus rapide que la nôtre. Voilà pourquoi les mouches qui se posent sur un écran de télévision doivent s'y embêter. Le transport de l'information leur paraît de fait très lent. (Rires)

Nous saisissons à présent que l'ef-177et que doivent produire nos films dépend du spectateur. Et c'est ce que nous devons apprendre, nous qui ne sommes encore que débutants dans l'apprentissage du langage cinématographique. Comme j l'ai démontré par une tendance de l'histoire cinématographique, nous avons déjà appris à activer notre capacité à assimiler des informations. Et je suis convaincu que nous n'avons même pas encore atteint les limites de cette capacité de perception. Notre attitude face à de nouveaux produits esthétiques constitue la principale barrière à la perception de films aussi carrément innovateurs. Lorsque le spectateur est confronté c'à quelque chose de neuf, d'imprévu, il prend peur et refuse de le regarder. Malgré cela, la production cinématographique a dès le départ accéléré le transport de l'information. Celui Qui regarde un film superficiellement s'exprimerait de la sorte: "Dieu que ces images sont rapides". C'est faux. Il s'est mal exprimé. En fait les images sont plus largement différenciées. Mais elles sont toutes projetées à vitesse égale. Je ne veux pas ici différencier les diverses cadences de projection. Cela nous conduirait dans un tout autre domaine qui me semble lui aussi très important. J'ai ainsi décrit grosso modo un concept important avant d'aborder des questions plus spécifiques à certains films.
Question: supposons que nous ayons un kinème, une succession de deux images, et que cette même séquence se répète. Supposons à présent qu'il s'agisse d'un film boucle (gl. 38). La deuxième séquence est-elle un kinème différent ou bien s'agit-il du même kinème
Nekes : Si vous nommez ces deux images A et B et en faites une boucle, alors A et B formeront un kinème suivi du kinème B et A et ainsi de suite. Nous pouvons dès lors observer une différence dans la succession des images. Je dirai néanmoins que les kinèmes se ressemblent du point de vue du niveau de l'information. En projetant ce film sans fin (gl. 37), il se pourrait différence réside dans le fait que la répétition constitue également une forme d'information. La répétition de l'information doit être considérée du point de vue du spectateur, du travail qu'il lui faut fournir et de la manière dont il peut l'exécuter. Il semblerait qu'il perçoive un même kinème différemment à chaque vague de concentration. Et il apparaît que le travail du cerveau change sans que les images soient modifiées. En psychologie, on appelle socialisation (gl. 42) ce processus que met en route le cerveau lorsque l'information finit par se réduire ou se minimiser. On voit des choses qu'il n'y a pas. L'attention se dissipe. La différence temporelle qui distingue des sources d'informations pourtant identiques constitue leur dissemblance. C'est la raison pour laquelle certains disent que toute répétition est impossible lorsque Gertrude Stein écrit une rose est une rose est une rose.
On peut dériver un autre exemple du fait qu'une même information est composée de couches successives superposant information identique sur information identique sur information identique. Ce qui n'est pas dépourvu de conséquences. Un autre exemple de ce type m'est inspiré de romans d'aventure dans lesquels on parle de lavage de cerveau. Il s'agit de raser les cheveux sur une partie du crâne et d'y laisser tomber des gouttes d'eau à intervalles réguliers. La victime de ce lavage de cerveau commence alors à réaliser qu'une goutte d'eau n'est plus une goutte d'eau, plus une goutte d'eau, plus une goutte d'eau ... Cette goutte rend fou. C'est pour cette raison également que les soldats ne peuvent franchir un pont au pas. Le pont risque en effet de s'écrouler à cause de la régularité des impulsions. L'amour jusqu'à l'orgasme
ressemble à cet effet. Le personnage de l'un des contes d’Oscar Wilde est à ce point terrifié par la répétition qu’il dit : "Je me suiciderai si l’herbe reverdit l'année prochaine" (NDT 13). Nous savons tous comment il termina sa vie.
Si nous renvoyons ce principe à la perception des films, nous comprenons qu'il nous est par exemple impossible de regarder "Jum-Jum" avec une attention et une vitesse constantes. Ce film qui met en scène un mouvement répétitif, Dore sur une balançoire, a été coupé toutes les 4 images et réassemblé sans ordre précis. Il s'y oppose deux mouvements : le mouvement naturel de la balançoire et les sauts de l'image produits artificiellement par un montage rapide. Le saut, c'est l'effort que doit fournir le spectateur pour reconstituer le mouvement de balancement saccadé alors que la bande sonore est quant à elle continue. Alors que les vibrations visuelles avaient d'abord entièrement attiré notre attention, cette dernière ne tarde pas à se relâcher et notre regard à se promener sur l'écran pour y découvrir d'autres choses. Quand ensuite nous sommes à nouveau tout à fait concentrés, le cycle reprend. Bien que j'aie vu ce film à maintes reprises, je le perçois toujours différemment. Cette catégorie de film requiert une attention à orientation plus structurelle. Permettez-moi la métaphore suivante sur les niveaux de perception : je puis soit parcourir une région à pied et enregistrer ainsi un certain nombre d'informations ou alors survoler cette même région, et la voir d'un tout autre oeil. En la survolant, je puis discerner plus aisément sa topographie. Par cet exemple je ne prétends pas vouloir comparer des valeurs d'ordre différent. Je me limite à constater que des niveaux de conscience différents sont touchés. Il existe une relation constante entre la perception de détails et celle de structures.
Question: Ma question a trait à la fonction du kinème. Est-il tout simplement une fonction des images et de leurs séquences, de sorte que dans une séquence récurrente il s'agit toujours du même kinème? Ou au contraire est-ce la place de cette séquence dans l'ensemble du film qui est déterminante? De sorte que lorsqu'il réapparaît en un autre endroit du film le kinème n'est plus le même ?
Nekes : La valeur du kinème peut varier en fonction de son environnement. Lorsque l'information cinématographique est transportée à un même niveau le kinème reste inchangé. Il n'empêche que l’influence des images environnantes n'est pas tout à fait sans effet. Celle du contenu des images non plus d’ailleurs. Dans la séquence constituée des images a, b, c, a se
combine avec b et b fusionne avec c. Le kinème a/b influence certainement la perception du kinème b/c. Cette influence est également tributaire du contenu des images. Elle durera plus longtemps en présence d'images noires par exemple. Il est impossible de percevoir une information à l’état pur. Elle est en effet constituée de plusieurs variables.
Question : Ceci semble bouleverser la théorie selon laquelle le kinème est juste défini par deux images. On voit maintenant apparaître de nouveaux facteurs dans la définition d'un kinème.

Nekes : Il est vrai que le kinème  se défini par deux images mais la majorité des films comptent plus de deux images. Dans une série de kinèmes, il est possible d’en isoler un seul et d’en délimiter le champ informatif cinématographique. Toutefois, cette information devrait également être considérée dans son contexte; ce qui est le cas par exemple pour la probabilité de son apparition, déterminante quant au caractère innovateur du film. On relève tout au plus dans les films des suites d'images différentes dont les différences se valent au point de vue de la qualité et des caractéristiques. Pour ces séquences, on pourrait se contenter d'une caractérisation. Des caractères similaires déterminent la classification des kinèmes. S'il existe une classification des groupes de kinèmes, c'est parce que ces kinèmes apparaissent dans des champs. Il se développe ainsi des lois d'apparition des kinèmes valables jusqu'à élaboration d'une nouvelle grammaire. A l'instar de la théorie des champs (gl. 1-2), on ne se limite pas à observer un électron isolé pour en donner une description. Pris isolément il est en effet indescriptible. Ses liens avec les autres sont eux aussi prépondérants. Il est toutefois possible de décrire le lien qui unit un kinème à son champ ainsi que les relations de ce champ aux autres champs.

Question: La faculté d'assimilation du spectateur n'est-elle pas trop limitée pour le langage cinématographique ? Compte tenu du fait que chaque image est différente, le nombre de ces différences que nous arrivons à percevoir n'est-il pas trop réduit ?

Question: Je voudrais poser la même question en la nuançant quelque peu toutefois. Pensez-vous être tenu de faire des répétitions alors que la quantité d'informations fournie par chaque image et par la transition d'une image à l'autre est déjà si importante? Pensez-vous que des répétitions, comme celle à laquelle vous avez eu recours dans la dernière partie de "T-WO-MEN", soient vraiment nécessaires ?
Nekes: Nous en savons encore très peu sur la réceptivité du spectateur. L'existence de limites subjectives à sa perception n'est pas exclue, mais je pense que nous sommes encore loin d'atteindre quelque limite que ce soit. Si j'ai orienté mes recherches dans cette direction, c'est parce que mon oeil était à la fois agacé et ennuyé par les films traditionnels, qui en outre n'utilisaient pas pleinement ma perception visuelle. Cette capacité doit être approfondie, l'oeil doit pouvoir fournir un effort. Mais dans la majeure partie des films, la perception visuelle est enlisée dans une surabondance de littérature. Lorsqu'il s'agit de percevoir des films vibrants de ce type, la plupart des problèmes engendrés proviennent sans doute de nos attentes. Quant à la technique du voir, il est vrai que la fatigue se fait vite sentir au début, mais il en est toujours ainsi lorsqu'on sollicite excessivement notre concentration.    Lorsque la fatigue commence à se faire sentir, nous avons tendance à cligner des yeux pour mieux pouvoir nous concentrer sur les images, pensant qu'ainsi nous sommes plus concentrés (gl. 16). C'est précisément ce qu'il ne faut pas faire. Il est au contraire bien plus facile d'ouvrir grands les yeux et de laisser affluer les images vers le cerveau. Le problème du nombre d'images que nous pouvons percevoir est un problème crucial. A force d'entraînement on peut même améliorer la perception. A la première de "jum-jum" en 1967, presque tous s'étaient accordés à dire que le film était trop rapide, trop stroboscopique. Il est vrai qu'à l'époque il me semblait à moi aussi très rapide. Mais il m'apporta une bouffée de fraîcheur. Aujourd'hui toutefois, on s'est habitué à la vitesse et le kinème lui-même est devenue une longue unité de temps. Mais le procédé d’inscription par lignes utilisé en télévision laisse-t-il présager une autre accélération ? Dans "T-WO-MEN" j'ai atteint certaines limites du langage cinématographique en utilisant la caméra d'une façon qui ne lui était pas coutumière parce Que les procédés conventionnels n'auraient pas suffi à remplir mes desseins. En approchant des limites du langage cinématographique, je me suis souvenu d'un véhicule de transport de l'image plus ancien, celui de la photographie. J'ai enregistré des prises de vues comme on prend des photos, les mêlant ensuite au reste du film.
Chaque technique recourt à des procédés similaires. Pour progresser, il faut pouvoir se replonger dans un très lointain passé. A la télévision, les programmes les plus modernes sont des films. La télévision n'en est pas encore à exploiter ses propres atouts. Par atouts, j'entends tant le réglage électronique du flux d'images que les possibilités de manipulation électronique des images. La vidéo aurait probablement été mieux adaptée à la production des parties 2 et 5 de "T-WO-MEN", dans lesquelles chaque image n'est du reste apparue qu'une seule fois. J'y ai obtenu par un travail manuel des résultats analogues à ceux que m'aurait donnés l'installation électronique la plus parfaite. Mon travail manuel a tout l'attrait de l'imparfait. Ce fut un progrès considérable pour la dramaturgie de la télévision quand, dans les années 30, on commença à filmer une scène avec une caméra par angle de prise de vues. Aujourd'hui encore, nous avons connaissance de ces changements d'angles de prise de vues pour les voir quotidiennement dans nos programmes télévisés. Les scènes que j'ai tournées auraient pu être réalisées par des batteries (gl. 9) de caméras préalablement programmées, qui m'auraient
donné en fin de circuit un produit fini entièrement fabriqué par un pupitre de mixage préprogrammé.
Considérons l'évolution : à l'origine, une caméra filmait toutes les scènes et le montage suivait le tournage proprement dit. Ensuite, trois caméras enregistraient le film qui était monté sur une table de montage. La dernière étape de cette évolution voit le montage précéder le tournage : un programme informatisé commande chaque changement de caméra et la caméra ne filme qu'un nombre déterminé d'images. En résumé, on est passé d'une caméra par film à une caméra par image. Cette évolution est comparable à celle qu'ont connu les travaux de Muybridge. Une partie du travail de montage s'effectue aujourd'hui dans le service des effets spéciaux (NDT 14) des laboratoires de tirage (gl. 23). Mais ces services ne devraient pas tarder à capituler devant la quantité de travail qui les attend. Ils ne pourraient suivre le rythme. Le procédé électronique est dès lors tout indiqué. Pour ce qui a trait à mon travail, je regrette qu'iln'y ait pas de centres de recherche vidéo. Mais il ne devrait s'agir là que d'une question de temps. Les réalisateurs des générations a venir programmeront d'avance des batteries de caméras (gl. 5). Déjà, on commence à automatiser la production de films animés.
Question: Les niveaux différents se trouvent-ils en nombre illimité au sein d'un film? Pensez-vous que les gens étaient autrefois incapables de percevoir "jüm-jüm" et qu'ils son,- aujourd'hui en mesure d'y parvenir parce qu'ils s'y sont entraînés ?
Nekes : j'ai déjà dit que nos attentes ne sont pas du tout étrangères à cette aptitude à percevoir. Certains ont pris peur parce que ce type de cinéma leur semblait trop neuf. Ils se refusaient à voir un film dans lequel ils ne pouvaient découvrir une histoire. Les enfants sont plus à l'aise avec ce genre de films parce qu'ils ne sont pas encore pervertis à ce point par notre culture cinématographique. Lors d'une des projections de "Spacecut", une fillette de quatre ans venait pour la première fois de sa vie au cinéma. Après avoir regardé le film avec intérêt pendant un bon moment, elle demanda à ses parents s'ils n'étaient pas déjà partis en vacances là-bas. Plus tard encore, elle finit par trouver plus intéressants les strapontins (gl. 21) de la salle de cinéma. C'était tout nouveau pour elle. Nombre des difficultés que nous rencontrons ont à mon avis des causes psychologiques et ne trouvent pas tant leur origine dans ce qui défile réellement sur l'écran. Pour ce qui a trait à la question concernant l'infinité des niveaux du film, je ne puis théoriquement nier la possibilité d'une accumulation infinie. Mais très vite le matériau cinématographique lui-même met un frein à la superposition. Dans 'La première partie de "Diwan" intitulée "Sun-a-Mul" (qui signifie en gaélique "terre baignée de soleil" et qui est le nom d'une petite île des Hébrides extérieures où j'ai tourné le film), j'ai procédé à de nombreuses surimpressions afin, précisément, de laver de lumière l'image reconnaissable, la maison et ses habitants, le sable, l'herbe et le soleil. Je me suis arrêté après 16 couches. Mais on peut toujours voir une image jolie et reconnaissable. Si je me suis arrêté, c'est que la pellicule n'est pas conçue pour passer aussi souvent dans la caméra. Les particules de l'émulsion risquent en effet de se décoller de la pellicule, menaçant ainsi d'abîmer le film par des rayures (gl. 25). Lorsque le film est traite sur une table de trucage ou dans un laboratoire de tirage, ce risque est moins grand qu'au cours de l'enregistrement de la scène par la caméra. Par la synthèse additive (gl. 1) il est possible de multiplier le nombre de couches jusqu'a obtention du blanc.
Si l'on ne se réfère pas uniquement à la surimpression en couleurs par synthèse additive
(gl. 1) mais aussi à celle par synthèse soustractive (gl. 43) par laquelle les films se volent mutuellement la lumière parce que, pris en sandwich, ils défilent ensemble dans la caméra ou le projecteur, on peut aussi aboutir à la production d'images totalement noires.
Question: Le cerveau ne connaît-il aucune limite au temps qui lui est nécessaire pour percevoir une image ?
Nekes:  Nous avons affaire ici à la vitesse de la lumière et à celle des cellules cérébrales. Lorsqu'on compare la lenteur du projecteur à la rapidité de notre cerveau, on est forcé d'admettre que des 'facteurs autres que temporels influencent notre perception. C'est ainsi qu'il nous faut plus qu'une unité de temps réduite pour percevoir des tabous sociaux, alors que nous identifions en un éclair ce qui nous est agréable.

Question: Si je me sens extrêmement épuisé, est-ce psychologique ?
Nekes: La fatigue n'est pas un but en soi mais tout au plus un effet passager. Si on me proposait de recueillir en dix minutes un nombre d'informations, qui en temps normal me prendraient peut-être dix heures, j'opterais très certainement pour la version la plus courte et la plus concise. Parce que la compréhension est de plus en plus différenciée, le véhicule et la perception en deviennent eux-mêmes plus complexes.
Question : Parlons à présent plus en détail du plus petit principe structurel du cinéma, le kinème…
Nekes: Le kinème n'est pas le plus petit principe structurel du cinéma. Il est le plus petit élément du langage cinématographique.
Question: Considérons à présent un film de 20 minutes. Comment analysez-vous une unité plus longue ? Le kinème est-il une unité, la plus petite unité cinématographique ? Pourriez-vous nous parler quelque peu de la manière dont sont structurés les films ? Contiennent-ils des unités plus grandes ? Pourrait-on par exemple comparer le kinème au phonème en linguistique? Avez-vous trouvé des équivalents pour le morphème, la syntaxe, etc. ?
Nekes: Lorsque j'utilise le terme "langage" en parlant du cinéma, il s'agit d'une comparaison-analogie et on pourrait certainement trouver dans le cinéma des équivalents pour les phonèmes, les morphèmes, les sémèmes, voire pour la syntaxe. Mais je ne puis toutefois vous en donner des définitions exactes. Pour ce faire, il serait indispensable de procéder préalablement à une étude plus approfondie. La recherche cinématographique serait même en mesure d'élaborer une grammaire générative du cinéma. Mais le recensement sous forme de règles de tous les aspects de la pensée visuelle n'écarte pas l'éventualité d'écarts à ces règles, non légitimables pour le langage cinématographique. Ce recensement parait tout à fait possible et plus facile pour des films de la tradition narrative. J'entends par là ceux qui s'inscrivent dans la lignée historique des films hollywoodiens.
Par rapport au langage écrit ou oral, celui du cinéma est encore si jeune qu'il me paraît prématuré de vouloir échafauder un système de règles oui devraient en faciliter la compréhension. Ce serait par ailleurs vain, car chaque infraction aux règles constituerait en fait un moyen d'expression pour des films ultérieurs. L'industrie cinématographique limite à ce point les moyens d'expression qu'il nous faut au contraire être plus attentifs aux possibilités de contournement, si nous voulons comprendre le cinéma comme un langage vivant. La kinésique ne devrait pas s'arrêter à la seule étude de ce qu'il nous a déjà été donné de voir. Elle pourrait contribuer à la conception de kinèmes qu'on ne peut encore utilement se figurer qu'en théorie.
Pour répondre aux questions concernant l'analyse que je fais d'unités cinématographiques plus longues et mes théories sur le montage, je voudrais parler de "Makimono". "Makimono" est un film qui traite du développement d'une expression sans cesse changeante de la représentation d'un paysage. Te film a été tourné dans sa totalité au départ d'un point fixe à partir duquel tous les angles de prise de vues (gl. 6) possibles ont été utilisés par la caméra. Il nous montre tout ce qui entoure la caméra : les paysages, les maisons, les personnages, etc. Au début du film, le spectateur est en mesure d'interpréter ce qu'il voit comme un paysage, un lac, des arbres. Mais en augmentant progressivement la différence spatio-temporelle entre les images, l'impression d'une réalité filmée s'évanouit peu à peu. Le spectateur n'est
alors plus en mesure d'interpréter les images en recourant à des codes conventionnalisés. Le cinéma invite donc le spectateur à réorganiser petit à petit la compréhension de ce qu'il perçoit. Dans ce sens, "Makimono" peut être compris comme une intervention contre des modèles de compréhension ritualisés. Lors de la projection -,,u film, le travail du spectateur
est devenu un travail de critique de la cognition (gl. 22) ou de la perception. Le cinéma considère très sérieusement le spectateur comme un producteur de sens. Pour comprendre il lui faut fournir un travail et très vite il prendra conscience que ce travail, c'est la compréhension elle-même. Le dynamisme croissant du film est provoqué par les utilisations différentes des kinèmes. Les différences qui les distinguent se retrouvent dans divers champs, dans des surimpressions combinant deux à quatre niveaux, dans des fondus d'ondes lumineuses de longueur et d'amplitude différentes, dans divers angles de prise de vues, dans des distances focales changeantes, dans les mouvements et les formes de mouvements se chevauchant dont le statique, le panoramique, le panoramique horizontal (gl. 26) et le panoramique horizontal ondulatoire (gl. 27), dans l'enregistrement d'images isolées pour lesquelles l'éloignement entre les endroits filmés va croissant ainsi que dans les différences temporelles séparant ces enregistrements. Alors même que l'on enregistre ces images isolées, la caméra bouge, les temps d'exposition s'allongent et il y a surimpression de ces images isolées. L'impression générale est celle d'une progression de la réalité filmée vers une réalité qui rappelle la peinture moderne. Cette progression, c'est celle de l’épanouissement des capacités du kinème.
Question: La longueur du film est-elle tout à fait fortuite ?
Nekes: Pas du tout. Elle dépend le plus souvent de la nature du matériel cinématographique, des procédés auxquels je recours et de la particularité des lois de perception utilisées. Ma réponse pourrait varier en fonction de chaque film. Ce qui prime également dans ce contexte, c'est l'effort que doit fournir le spectateur pour saisir le concept structurel. Bien qu'il ne soit pas le seul message important du cinéma, cet effort de perception en est néanmoins une partie intégrante. Il peut changer en fonction des facteurs temporels et des attitudes propres aux spectateurs. Les films peuvent perdre leurs qualités innovatrices, qui sont par ailleurs quelques fois perçues par le spectateur comme une forme d'agression semblable à celle que j'ai décrite pour "jüm-jüm" en 1967. riais ce facteur peut lui aussi disparaître suite à d'autres expériences de ce type vécues par les spectateurs. Les expériences qui sont ici mises en cause sont celles qu'accumulent des spectateurs qui apprennent à apprécier de plus en plus un film. Et la perception d'un film est bien plus proche aujourd'hui de celle d'une oeuvre d'art dans ses dimensions historiques.

Question : Par ma question,j'aimerais changer de thème et revenir au modèle précédent. Lorsqu'on a sous les yeux 7 ou 8, voire 9 niveaux d'une surimpression, la lecture verticale semble très complexe, même sur un moviola (gl. 32). A moins que le réalisateur du film ne lui ait laissé ses notes, la tâche du critique de cinéma est à ce stade vraiment très ardue, sinon impossible.
Nekes: Ces notes sont certes très utiles au critique de cinéma mais si on lui en laissait prendre connaissance, il serait déjà en mesure d’élaborer une sorte d'analyse du film. Pour une perception adéquate du film, ces notes ne sont pas nécessaires. Comme je l'ai déjà signalé, j'ai connaissance des vagues de concentration qui gênent la perception et dont il me faut tenir compte lorsque j'utilise dans mon travail un grand nombre de niveaux différents à des rythmes différents. La lecture horizontale s'effectue au niveau des crêtes d'ondes lumineuses de longueur et d’amplitude différentes. En d'autres termes, j'ai recours à un certain degré de redondance pour transporter mon information. Le mot latin unda à l'origine de redondance signifie du reste onde. On voit parfois simultanément tous les niveaux d'une image entière.
Dans le cas contraire, le spectateur peut passer à son gré de l'un à l'autre. Le processus est similaire lorsqu'on    prend sous les yeux une page de journal et que l'on passe successivement du gros titre à un titre en bas de page. ou encore, lorsque je pense au regard qui se balade sur une toile et qui est attiré ça et là par certains points. A un tout autre niveau, il est possible de faire un rapprochement entre ce processus et la capacité de sélection de notre faculté de perception. Lorsque je traite le matériel cinématographique, j'ai pour objectif de laisser errer l'attention entre les différents niveaux. Cette attitude du spectateur reflète l'ambiguïté de la perception (NDT    15). Certains auteurs chinois étaient capables d'écrire des phrases qui pouvaient être comprises de sept manières différentes. Ce que je vais dire n'a peut-être aucun rapport avec ce qui précède, mais, sans le faire exprès, n'aboutissons-nous pas quelques fois au même résultat ?
Question: Je pense que le regard qui se promène sur l'image est un point essentiel dans ce domaine. Dans la première partie de "Diwan" par exemple, celle qui est intitulée Sun-a-Mul, j'avais commencé par choisir un niveau des images, puis immédiatement un autre et je crois que ce phénomène modifie intégralement les lois de la perception.
Nekes : J'aimerais aborder brièvement le problème de l'utilisation du son dans "jüm-jüm". Nous avons réalisé la bande sonore, cette composition rythmique, dès que les images ont été achevées. Le film est coupé toutes les 4 images. Il s'agit d'une segmentation visuelle du balancement. Toutes les unités sont d'égale durée. Le rythme de la bande sonore se compose d'intervalles de temps très courts qui encadrent les unités de temps visuelles. Si l'on compare a présent le travail de l'oeil à celui de l'oreille, on est amené à constater que les yeux ont tendance à traîner. Ils veulent se reposer sur le son. D'où l'impression que le son est synchrone. Mais il ne l'est pas; les rythmes acoustique et visuel sont indépendants l'un de l'autre. Je m'étais intéressé à l'interférence des deux types de rythmes. Je voulais laisser l'oeil libre de voir sur un fond musical et 'L'oreille libre d'entendre sur le fond du rythme artificiel des images (NDT 16). J'aime accélérer les possibilités du voir. Mais cette capacité d'accélération ne tarde pas à s'estomper et les deux types de rythmes à me paraître synchrones. Ensuite le cycle reprend. Cet exemple prouve une fois de plus que nous percevons par vagues de concentration. C'est également la raison pour laquelle le film doit durer dix minutes. Un certain temps est requis au cours du film pour atteindre quelques sommets de ces vagues de concentration. J'ai opté pour un même type de relation entre le son et l'image dans les parties 2 et 5 de "T-WO-MEN". Dans ces parties, des kinèmes de capacité supérieure, ou kinèmes accompagnés d'un effet de thaumatrope, se heurtent au rythme accéléré du son pour conférer à la perception une dimension supplémentaire.

Question : Dans la deuxième partie de "Diwan", le son est utilisé différemment. De suites de sons et d'images d'abord très rapides, il ne reste ensuite que des images très statiques. On aboutit ainsi à une totale contradiction entre le traitement du son et celui de l'image.

Nekes: Diwan est du reste le mot persan pour anthologie lyrique. A'lternatim désigne pour sa part le chant alterné de deux choeurs en musique. J'ai choisi cette expression en raison de l'extrême changement que provoque le passage de la "stabilité" de l'image au "scintillement" des séquences d'images qui montrent une forteresse grecque sur une petite île ou l'on avait coutume autrefois d'emmener les lépreux.
La musique composée par Anthony Moore est une sorte
De minimal music (gl.30) (NDT 17) très simple et de rythme rapide et compliqué.

Question : Vous opposez deux prises de vues de type très différent, l'une très rapide et l'autre extrèmement calme, mais toujours accompagnées de la même musique. En tant que spectateur, j'ai été terriblement dérouté par le fait que la musique reste inchangée tant pour les images compliquées Que pour les images différenciées au minimum.

Nekes: La musique est composée de sons qui se succèdent à des vitesses à peine différenciées. Les différents tempos modifient l'emphase rythmique en tendant vers le synchronisme, en l'atteignant et en s'en éloignant à nouveau. On pourrait penser qu'il s'agit toujours du même matériel sonore, mais celui-ci est en fait continuellement transformé.

Lorsque j'ai été amené à utiliser ces sons, je me suis intéressé à la fonction qu'ils exercent dans leur relation aux images. En quoi la musique influence-t-elle la perception des images ? Il y a d'une part la vision accélérée de kinèmes différenciés au maximum: un de ces kinèmes nous montre par exemple deux vues différentes de la forteresse; ou alors c'est une image de la forteresse suivie d'une image noire que nous pouvons voir; à moins qu'il ne s'agisse d'un autre type de kinème qui est constitué à lui seul de l'espace normalement utilisé pour nous montrer deux images mais qui ne nous en montre qu'une occupant à elle seule la place de deux. On aboutit à ce type de kinème en appuyant tour à tour le cadre presseur (gl. 3) de la caméra sur le film ou en le relâchant.

Par conséquent, le film n'est pas tendu en traversant la caméra et est exposé à la lumière de cette manière spéciale. Il existe d'autre part des images qui se succèdent pratiquement sans être animées et qui ne sont différenciées qu'au minimum. Ces images claires et précises contrastent avec le rythme rapide des images scintillantes. La vision s'en voit accélérée et l'oeil doit travailler aussi vite que possible. A cette accélération succède subitement un effort visuel quasi nul. Comme le cerveau suait déjà sang et eau en raison de la vitesse à laquelle il lui fallait travailler, il ne peut s'arrêter brusquement. C'est la raison pour laquelle le cerveau qui est tout à coup confronté à des différences minimales continue de travailler très vite, alors même qu'il pourrait réduire la cadence. Avant que le cerveau ne soit en mesure de ralentir, il s'écoule un certain temps. Survient alors la prochaine séquence rapide à laquelle la vision ne s'adapte que progressivement. Le spectateur prend conscience de l'efficacité de sa vision. Il perçoit l'accélération en soi ainsi que le ralentissement de sa capacité de perception.
Question : Je crois que vous jouez à deux niveaux à celui du kinème et puis à celui du son, un autre genre d'articulation. C'est ce qui permet le chevauchement des deux domaines, des deux types différents de kinèmes et vous permet de jouer à un niveau bien supérieur à celui des kinèmes.
Nekes: Vous avez tout à fait raison. Au moment où apparaissent les images statiques et où la vitesse de perception visuelle diminue, il nous est soit possible de ralentir cette vitesse de perception des images cause du son qui les chevauche ou alors de la maintenir par rapport aux images en raison des petits intervalles de temps qui séparent les sons. En dépit d'une apparente différence entre les procédés visuels, nous faisons l'expérience du caractère illusoire du flux informatif. La vitesse de ce flux est identique dans les deux cas. L'utilisation du son contribue à nous le faire comprendre. L'effet que produit le son étend la perception.
Nous reconnaissons avoir affaire ici à une relation directe de perception entre les dimensions sonore et optique du signal. on pourrait dire que chaque dimension du signal influe sur la perception de toutes les autres dimensions du signal. Ce phénomène ne se présente pas qu'à un seul niveau de la perception, soit celle de l'image, soit celle du son, mais également au sein même de la fusion des perceptions optique et acoustique. Il nous faut tenir compte de l'existence à l'intérieur même du kinème de relations entre chaque type de dimension du signal, mais également des relations de ce kinème avec les kinèmes qui le précèdent et qui le suivent. Ces rapports mettent en lumière les corrélations entre les différentes fonctions des signaux. C'est ce que con~irment par exemple les films tournés sans son pour lesquels une postsynchronisation sera nécessaire (NDT 18). La postsynchronisation prouve que l'on perçoit les relations espace/son/temps comme une entité. Toute modification de ces relations nous procure de nouvelles entités topologiques. Puisque le son peut remplir tant de fonctions différentes, il nous faut analyser toutes les corrélations entre celles-ci pour aboutir enfin à une classification utilisable. C'est un travail considérable qui nous attend là. Mais il en vaut la peine si nous voulons nous consacrer sérieusement au cinéma.
Question: Je crois que l'accent est mis théoriquement sur la continuité, la structure de la perfection de la forme. En ce qui me concerne, je conçois combien cette théorie s'avère exacte dans le cas du kinème, dans l'exemple que vous donniez tout à l'heure. J'ai en outre été frappé dans nombre de vos films par le paradigme, par ce que vous appelez des ruptures verticales ou la lecture verticale. C'est ainsi par exemple qu'une ligne d'horizon qu'on s'attend à voir rester droite pourrait se mettre à trembler dans l'image. Nous sommes très choqués par cette rupture d'horizon. Nous ne cherchons certes pas à mettre en évidence un horizon qui soit droit mais il n'est pas question dans ce cas d'une structure.
Nekes: Faites-vous allusion à l'horizon dans "T-WO-MEN" ?
Question: Oui. Nous y percevons une rupture à l'intérieur des ruptures paradigmatiques. Je crois que nous pourrions très bien répondre à des ruptures syntagmatiques; cela s'est déjà produit dans le cours normal de l'histoire du cinématographe. Mais jamais auparavant il ne m'avait été donné de voir une rupture paradigmatique. L'horizon brise l'image. Et il ne s'agit pas à mon sens d'un problème de continuité mais de discontinuité.
Nekes: La continuité et la discontinuité ne sont que les deux axes de l'information cinématographique. Ils ne sont pas parallèles entre eux. J'appelle lisibilité horizontale et lisibilité verticale ce que vous appelez des ruptures syntagmatique et paradigmatique. Peut-être la terminologie sémiologique est-elle mieux adaptée ? Je crois que votre question nous amène dans le domaine suivant : comment le spectateur comprendrait-il une éventuelle augmentation des différences spatio-temporelles et des différences entre les images?
Comment le spectateur comprendrait-il une éventuelle accumulation d'informations au niveau du paradigme ? Ce film nous entoure d'une nouvelle sphère, d'une nouvelle relation spatio-temporelle différente de celle dans laquelle nous évoluons habituellement. C'est cela le cinéma; le film est un outil qui nous montre ce que nous ne verrions pas normalement et qui peut nous laisser penser ce que nous ne pourrions penser. On fait habituellement usage du cinéma pour illustrer ce que nous voyons. C'est une illusion de la réalité et non de ce qu'elle pourrait être à savoir une nouvelle réalité qui nous offrirait de nouvelles expériences. Tout comme le microscope, le cinéma offre un grossissement de ce que voient nos yeux . Lorsqu'on y recourt on voit une foule de petites choses que nous n'aurions pu voir auparavant. Le fil-m, cet instrument d'analyse spatio-temporelle, peut modifier notre compréhension des relations spatio-temporelles dans le monde. Nous pourrions dès lors nous demander quelle importance il a à nos yeux et ce qu'ajoute une ligne d'horizon brisée à notre horizon intellectuel.



NDT 1 : "The Life of an American Fireman", 1903 traduit officiellement par "La vie d'un pompier américain", dictionnaire du cinéma de Jean Loup Passek, Larousse, Paris, 1986. En allemand dans le texte.

NDT 2 : en français dans le texte.

NDT 3 : en allemand dans le texte. Se traduit par "Safari en Afrique", dictionnaire du cinéma de Jean Loup Passek, Larousse, Paris, 1986

NDT 4 : (dans la version anglaise de ce texte parue dans la revue "Afterimage" de novembre 1977, l’auteur utilise le terme allemand "Gestaltsprünge".

NDT 5 : citation dont la source n'a pas été signalée par l'auteur. Elle est extraite de : Guillaume Apollinaire, Le Guetteur mélancolique, Gallimard, Paris, 1952, p. 131, et signée Gabriel Arbouin. On croit cependant pouvoir l'attribuer à Guillaume Apollinaire.

NDT 6 : en anglais dans le texte

NDT 7 : Blitzer dans le texte allemand. Lapsus de l'auteur. L'opérateur de Griffith s'appelait Johann Gottlob Wilhelm Bitzer. (Dictionnaire du cinéma de Jean Loup Passek, Larousse, Paris 1986)

NDT 8 : Dans le texte allemand :"Neutronen". Lapsus de l’auteur. Les cellules nerveuses du cerveau sont appelèes "neurones".

NDT 9 : en anglaise dans le texte.

NDT 10 : en allemand "Stehender Film / Bewegter Film"

NDT 11 : en anglais dans le texte. Se traduit par "Que s#est-il passé entre les images ?"

NDT 12 : i.p.s. est l’abréviation officielle d’images par seconde.

NDT 13 : M. Werner Nekes ne donne pas dans son ouvrage les références exactes de cette citation. Dans sa lettre datée du 14.7.88, il signale toutefois que cette phrase n'est pas littéralement extraite du conte "Le Géant égoïste" d'Oscar Wilde mais qu'elle en résume le contenu.

NDT 14 : en anglais dans le texte.

NDT 15 : La phrase allemande n’étant pas suffisamment explicite, je me suis référée pour la traduire à la version anglaise de cet exposé publiée par David S. Lenfest dans la revue Afterimage de novembre 1977.

NDT 16 : Traduction inspirée du texte anglais plus explicite.

NDT 17 : en anglais dans le texte.

NDT 18 :    la postsynchronisation respecte toujours le mouvement des lèvres des acteurs parce que le dialogue est redit dans la même langue. Il ne faut pas la confondre avec le doublage qui ne peut respecter le mouvement des lèvres parce que le texte lu est une traduction en une autre langue du texte original.

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